Détails et plans
L'église détails et plans...
Plutôt que d'agrandir leur ancienne église inscrite dans le bourg médiéval, les bourgeois de Châtel choisirent en 1867 de construire un nouvel édifice sur le Clos-du-Château, un terrain propriété de l'Etat, dominant le site, en avant-poste du château de la préfecture. Les Châtelois avaient pour ambition d'ériger une église qui soit "élevée et vue de tous", "la couronne de la paroisse, un véritable embellissement, qui attirera au loin les regards de tous et donnera au pays son cachet religieux". Alors adjoint de l'architecte cantonal, Adolphe Fraisse (1835-1900) fournit le 15 juin 1871 les plans d'un sanctuaire néogothique aux allures de cathédrale, capable de rivaliser avec les églises gothiques de Fribourg, de Romont et d'Estavayer-le-Lac. La première pierre en fut posée le 15 avril 1872. Sur un soubassement en calcaire local, l'édifice fut construit en molasse bleue de Fribourg et d'Ostermundingen, avec voûtes et flèche ajourée en tuf. Elle fut consacrée en grande pompe par Mgr Marilley le 9 octobre 1876. D'un coût total de 439'779 francs, le chantier fut couvert pour moitié par des dons, en particulier de Mgr Marilley .
Les plans de 1871
Ces plans - élévation principale et coupes transversales - furent livrés à la paroisse en 1871 par Adolphe Fraisse, l'un des architectes les plus renommés de Fribourg. En couvrant la nef et les bas-côtés par un seul pan de toit, l'architecte devait renoncer au triforium et à la claire-voie des grands édifices gothiques. Par le biais de lucarnes éclairant la nef principale à travers les combles, il a tenté de recréer l'ambiance des grandes cathédrales dont les voûtes, baignées de lumière, semblent flotter sur la pénombre intérieure. Avec sa nef d'une hauteur de 18 mètres, pour une longueur de 41 mètres, l'église de Châtel est, avec celle de Promasens (1872) et de Farvagny (1888-1892), l'une des églises paroissiales les plus vastes du canton. Evoquant la Mariahilfkirche in der Au de Munich (1831-1839) ou le second projet de Josef Jeuch pour l'Elisabethenkirche de Bâle (1856), la façade s'inscrit dans le sillage des grandes réalisations néogothiques. Avec son clocher octogonal et sa flèche culminant à 70 mètres, elle se pose clairement en rivale de la tour de Saint-Nicolas de Fribourg.
Vue intérieure, dans les années 1900 Maître-autel de Théophile Klem, de Colmar, autels latéraux et chaire de Joseph Meyerlin, d'Altkirch, peintures murales des plâtriers-décorateurs Ottina et Pedrazzi, vitraux de Karl Wehrli, de Zurich: l'église est une œuvre d'art total où l'on tente de recréer l'idéal gothique jusque dans ses moindres détails.
L'église, dans sa livrée initiale
Suppression des lucarnes éclairant la nef principale, disparition des pinacles couronnant les contreforts et des merlons en façade, en 1936, puis remplacement dix ans plus tard de la flèche ajourée par un ouvrage en béton armé: l'édifice a perdu un peu de sa superbe comme en témoigne cette photographie prise à son achèvement.
Finitions en 1875
La pose des bancs, livrés par l'atelier local Waldmeyer et Lambert, marque l'achèvement de l'église. Les travaux de menuiserie plus délicats, comme les confessionnaux ou les stalles furent attribués à l'atelier Klem, qui maîtrisait parfaitement le vocabulaire néogothique. La chaire en pierre blanche de Tonnerre est également l'œuvre d'un atelier alsacien, celui de Joseph Meyerlin..
Châtel-St-Denis aux deux églises
Cette vue de 1890 montre la nouvelle église au centre de la ville, flanquée du château et de l'ancienne église, construite en 1786 par Jean Rapotzy, un maître maçon de Carcoforo, sur les plans semble-t-il de Charles de Castella. Ramenée au rang de chapelle, vendue en 1903 à l'Institut Villard, elle a perdu depuis son bulbe caractéristique. Son chœur sert actuellement de chapelle à l'Institut St-François de Sales
A l'origine de l'entreprise
Le plan et la coupe longitudinale montrent l'ambition du projet, destiné à une paroisse d'environ 2000 âmes. Le clocher dans-œuvre, les six travées de la nef à collatéraux prolongée par un chœur étréci, sous un seul faîte, assurent un caractère monumental à l'édifice, valorisant, par contraste, l'élan vertical de son clocher et de sa flèche. Conservés dans les archives paroissiales, les plans de 1871 témoignent de l'activité d'un architecte très engagé dans le développement de la ville de Fribourg entre 1870 et 1900, où il fut d'ailleurs conseiller communal et directeur de l'Edilité entre 1881 et 1895. On lui confia en outre les mandats de construction d'une dizaine d'églises rurales, en particulier celles de Rossens (1870-71), de La Tour-de-Trême (1874-75), d'Albeuve (1876-79) et de Montbovon (1897-98).
Mgr Etienne Marilley
Etienne Marilley, né à Châtel-St-Denis le 29 octobre 1804, fils de Joseph-Alexis, serrurier, fut sacré évêque de Lausanne et Genève le 15 mars 1846 à Fribourg. Deux ans plus tard, il s'opposa au nouveau régime radical et à la constitution cantonale qu'il jugeait inconciliable avec les lois de l'Eglise. Le gouvernement le fit arrêter, le livra aux autorités vaudoises, qui l'emprisonnèrent, avant que les cantons diocésains ne décident de l'exiler. Réfugié à Divonne durant sept ans, il fut rétabli dans son pouvoir épiscopal en 1856, avec le retour aux affaires des conservateurs. Il s'engagea alors dans une véritable restauration religieuse, rétablissant par exemple toute la liturgie romaine. Entièrement dévoué au Saint-Siège, mais plus modéré qu'une partie de son clergé dans l'épisode du Kulturkampf (1873), il finit par démissionner en 1879. Retiré au château de Grand-Vivy, il mourut le 17 janvier 1889 et se fit enterrer à l'église des Cordeliers de Fribourg. Il légua ses insignes épiscopaux à l'église de Châtel-St-Denis, comme si elle était la cathédrale qu'en fait il n'avait jamais eue.
Portrait de 1846
Pour bien marquer l'accession à l'épiscopat d'Etienne Marilley, jusqu'alors curé de Genève, on prit soin de diffuser son image. Auguste Dietrich (1821-1863), peintre et professeur de dessin, conçut le présent portrait où le jeune évêque paraît encoretimide. L'original de Dietrich fut transposé en lithographie et imprimé à Paris par Lemercier. La même année 1846, les catholiques de Genève qui avaient tout fait pour que le pape choisisse Marilley, lui offrirent un calice et des burettes en argent, employés par l'évêque durant toute sa vie et qu'il légua à l'église de Bulle.
Portrait de 1870
A l'occasion de la Saint-Etienne de 1870, le monastère de la Visitation de Fribourg offrit son portrait à Mgr Marilley. Cette peinture à l'huile sur toile était l'œuvre d'une religieuse du monastère, Sœur Marie-Thaïs de la Providence Kastener (1825-1895), originaire d'Allemagne. Copiant le portrait officiel de 1864, réalisé par le peintre italien Maria Pietro Gennari, elle ajouta cependant sur la droite une représentation du château de Chillon, où Mgr Marilley avait été emprisonné durant deux mois en 1848 et oùil était spécialement bien gardé, car on craignait alors une réaction des populations catholiques de Fribourg, du Valais, de Genève et même de la Savoie. Ainsi donc, dans la mémoire des catholiques, plus de vingt après les faits, le "prisonnier de Chillon", désormais alourdi par l'âge, avait encore la stature d'un martyr.
L'arrestation de 1848
L'arrestation de leur évêque dans la nuit du 25 au 26 octobre 1848, en sa résidence de la rue de Lausanne à Fribourg, choqua profondément les catholiques de son diocèse. Les Genevois sans doute, qui lui étaient très attachés, firent immortaliser la scène par un dessinateur anonyme, qui représenta deux officiers, au demeurant très respectueux, signifiant à l'évêque son arrestation. L'image, qui est comme une illustration de presse ou un tableau commémoratif, a été lithographiée et imprimée à Genève par Ch. Gruaz.
Armoiries diocésaines
Ornant le frontispice d'un imprimé de Mgr Marilley, publié chez Fragnière à Fribourg en 1869, ces armoiries écartelées présentent les armes de l'évêché de Lausanne (deux ciboires) et celles du canton de Genève. Depuis 1819, les catholiques genevois ne dépendaient plus de l'évêque de Chambéry mais de celui de Lausanne, qui porta désormais le titre d'évêque de Lausanne et Genève, tout en résidant à Fribourg. Dès les années 1860, les armes du canton de Genève furent progressivement remplacées par celles de l'ancien évêché de Genève (les clefs de saint Pierre).
Chasuble mariale
En 1854, Mgr Marilley était à Rome pour assister à la promulgation du dogme de l'Immaculée Conception, et toute sa vie il eut une grande dévotion à l'égard de Marie. Dans les années 1880 sans doute, il dut recevoir cette magnifique chasuble fabriquée à Lyon et dont l'orfroi est entièrement dédié à la Vierge.
Mitre brodée
Les insignes épiscopaux portés par Mgr Marilley lors de son sacre n'ont pas été conservés. Ceux qu'il légua à la paroisse de Châtel-St-Denis sont assez tardifs. La mitre de satin mauve, aux cornes très basses, rehaussée de riches broderies en relief, devrait dater de la fin de son épiscopat. Associée à une mozette, elle est exposée dans une vitrine un peu comme une relique.
La crosse de l'archevêque de Myre
Quatre ans après sa démission en 1879, alors qu'il se croyait oublié de Rome, Mgr Marilley fut élevé par Léon XIII au rang d'archevêque titulaire de Myre (dans l'actuelle Turquie). Cette ville avait été le siège épiscopal de saint Nicolas, patron de la principale église de Fribourg, qui n'allait devenir la cathédrale des successeurs de Mgr Marilley qu'en 1924. La présente crosse, appelée "paterissa", est de type orthodoxe. Fabriquée en France probablement, elle a dû être offerte au nouvel archevêque peu après 1883.
Voile de calice armorié
Le voile assorti à la chasuble mariale est centré sur un ange portant le monogramme du Christ IHS, entouré des armes de la Ville de Fribourg, du Canton de Fribourg, de la Ville de Lyon et de l'évêché de Lausanne et Genève à l'époque de Mgr Marilley. Broderie au passé, d'un atelier lyonnais non identifié, des années 1880.
La croix pectorale
En janvier 1853, Mgr Marilley, toujours en exil à Divonne, fit le voyage de Rome pour consulter le pape Pie IX au sujet de négociations avec le gouvernement fribourgeois. Au terme de son séjour, il reçut des mains du Saint-Père une croix-reliquaire, qui devint sa croix pectorale épiscopale. Sans doute fabriqué à Rome, ce précieux bijou en or émaillé, de style maniériste, pourvu d'un camée montrant le profil à l'antique de la Vierge probablement, est représenté sur le portrait de 1870.
ImpressumLes documents reproduits appartiennent à la paroisse de Châtel-St-Denis et au Service des biens culturels du canton de Fribourg / Commanditaire: le Conseil de paroisse de Châtel-St-Denis / Texte: Aloys Lauper, Service des biens culturels / Photos: Primula Bosshard / Concept, mise en page et réalisation: Chantal Esseiva / Impression: Grafix / Bibliographie: Aloys Lauper, L'église de Châtel-St-Denis, seconde cathédrale de Mgr Marilley, in: 700 ans Châtel-Saint-Denis, Pro Fribourg no 117, novembre 1997, p. 65-69 / Edition Pâques 2007